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Jean Séverin, écrivain

Les Annales des pays nivernais - Camosine n°151 : florilège


 

Sommaire

Source : Les annales des pays nivernais - Camosine n°151 - tout un numéro consacré à Antonin Bondat

 

 

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l'homme

Source : Marie-Paule Bondat.

Mon père était un homme tendre et passionné. La vie même le passionnait et c'est toujours avec tendresse qu'il la regardait . Sa foi, sa famille, sa profession d'éducateur, son métier d'écrivain ont ancré sa vie.

Il serait impossible de parler de mon père sans parler de l'amour profond qui l'unissait à ma mère. Pour mon frère et moi, cet amour faisait partie de notre quotidien et il a été l'élément fondamental de notre vie de famille.

Mes parents se sont rencontrés à Nevers où ils habitaient l'un près de l'autre. Papa racontait avoir aperçu Maman penchée à sa fenêtre lors d'une de ses promenades alors qu'il se remettait peu à peu d'une longue maladie. Il l'avait trouvée bien belle et, disait-il, avait tout de suite su qu'ils étaient destinés l'un à l'autre.

Ils se sont mariés en 1940, en zone "libre". sans leurs familles qui, bien sùr, n'avaient pu les rejoindre. Ils ont ensuite passé un an à Nîmes où Papa a enseigné et où il a aussi appris le provençal, une langue qu'il aimait beaucoup et qu'il a continué à lire toute sa vie.

Ils sont ensuite retournés à Pontoise où mon père a repris son travail à I'ëcole Sait-Martin de France. C'est toujours avec grande fierté que Papa. au soir de sa vie, mentionnait les cinquante ans qu'il avait passés à Saint-Martin.

Il avait commencé conme surveillant à dix-neuf ans puis, après son mariage, était devenu Chef de Maison. En tant que chef de maison, Papa a vécu avec sa famille dans trois "maisons" différentes où habitaient aussi entre trente (la première maison) et quatre-vingts (la dernière) élèves pensionnaires, à l'anglaise.

Maman dont le travail n'était pas officiellement reconnu par l'école, était pourtant très présente auprès des élèves et en était aimée.

Quant à moi,je me rappelle toute petite avoir répondu à une question sur le nombre de mes frères : je pensais en avoir au moins vingt-cinq.

Dès son retour à Saint-Martin, Papa a aussi enseigné le français. le grec et le latin. Plus tard, il a arrêté son travail de Chef de Maison et est devenu Directeur des études tout en continuant à enseigner. Un de mes meilleurs souvenirs est celui d'épiques réunions à la maison, chaque année avant la rentrée des classes, quand il fallait préparer les horaires d'environ cinquante professeurs qui avaient chacun leurs préférences et besoins, et tout cela bien sûr sans l'aide d'un ordinateur, mais avec force feuilles de papier et une patience extrême, ce qui n'était pas toujours la plus grande vertu de mon père.

Papa adorait l'enseignement, aussi bien le contact avec les élèves que la transmission de connaissances et d'une culture. Notre famille vivait au rythme de son travail auquel il se donnait tout entier. Maman, mon frère et moi étions conscients des liens profonds qui l'unissaient à ses élèves et combien il leur était attaché.

Le soir, Papa écrivait. Pour mon frère et moi c'était son jardin secret, son mystère. Une fois la "maison" endormie ou presque, vers vingt-deux heures, il se retirait dans son bureau et y travaillait jusqu'à minuit ou une heure du matin. Il écrivait aussi pendant la journée quand nous étions en vacances.

Mon frère et moi respections sa solitude car nous comprenions qu'écrire lui était indispensable. II ne nous élait pas interdit de l'interrompre si nécessaire, mais nous essayions de le faire le moins possible et de le laisser au dialogue qu'il avait avec son œuvre. Bien sûr, Maman était toujours sa première lectrice et son opinion, donnée avec douceur mais conviction, etait primordiale.

"Il s'appelait Jean-François". Ainsi commence le chapitre que mon père a écrit dans "Une vie peuplée d'enfants " sur mon frère, mort à vingt-deux ans. Que dire à propos de la disparition si précoce d'un enfant bien aimé el si aimable, sinon que mes parents ont eu un courage infini et qu'ils ont porté mon frère en eux, au jour le jour, le reste de leur vie. Jean-François était toujours présent pour eux, comme il l'est encore pour moi, mais quelle soufrance de ne plus avoir sa joie, son humour, son rayonnement ici-bas ...

Mes filles sont nées deux ans après la mort de mon frère et mon fils un peu plus de deux ans plus tard. Pour mes parents, la naissance de leurs petits-enfants a été une immense joie. Naomi, Lydia et Aaron leur ont redonné le goût du bonheur. A un de ses étudianls qui pendant une interview lui posait la queslion : "Qu'est-ce que le bonheur pour vous?", Papa a répondu : "Le bonheur ? Je vais aller voir mes petits-enfants dans un mois. Pour moi. c'est ça le bonheur."

Ils ont été des grands-parents merveilleux. attentifs, joyeux, toujours prêts à écouter. rire, consoler. Une grande complicité les unissait tous et leur joie à être ensemble faisait plaisir à voir.

C'est dans son Morvan natal que mon père a pris sa retraite. Il en aimait profondément les gens, les paysages et les eaux vives. Mes parents y ont passé ensemble de paisibles et heureuses années. Ils enseignaient tous les deux la catéchèse dans une école avoisinante. Ils participaient aux reunions et sorties des Académies du Morvan et de Bourgogne.

Ils voyaient régulièremenl leurs petits-enfants, avec lesquels ils étaient en étroit contact. Ils ont pris beaucoup de plaisir à les voir grandir et mûrir. Papa a continué à écrire et à poursuivre une intense vie intellectuelle.

Maman nous a quittés la première. Papa s'ëst occupé d'elle avec amour et dévotion Il nous a quittés quatre ans plus tard et nous avons pu l'entourer jusqu'à ses dernières heures. Il était en paix, heureux , disait-il à l'idée de mourir dans la maison où il était né, triste de nous laisser, mais aussi impatient de revoir sa femme el son fils ...

Je pense bien souvent à lui, à Maman. à mon frère. Que dire de plus ? Bien sûr, ils nous manquent intensément. mais ils sont là aussi, dans nos cœurs, et nous essayons de vivre nos vies avec tendresse, avec passion, en suivant à notre façon la voie qu'ils ont tracée.

 

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Mettre en valeur le patrimoine nivernais

La Camosine œuvre depuis plus de quarante ans pour sauvegarder, restaurer et mettre en valeur le patrimoine nivernais.

"Peu de numéros des Annales des Pays Nivernais-Morvan sont consacrés à un écrivain", a fait constater Jean-Louis Balleret, président de la Camosine. "Nous nous souvenons des plus grands, et nous oublions bien souvent de mettre en lumière les écrivains contemporains, moins célèbres, mais néanmoins excellent écrivain. Jean Séverin avait une belle plume".

Dans son discours de bienvenue, le maire de Montreuillon, a énuméré les qualités humaines d'Antonin Bondat : "Un homme à la vie intellectuelle intense mais qui était à l'écoute des autres, un humaniste. On avait forcément de l'estime quand on le quittait ..." a dit Bernard Mouron en ajoutant : "Il a passé sa vie à éduquer. Il aimait dire qu'être enseignant c'est instruire, mais aussi éduquer".

Marie-Paule Bondat, la fille de Jean Séverin, a salué la qualité de cet ouvrage consacré à son père. "Je l'ai lu plusieurs fois, soigneusement, et à lire les articles, je peux dire que je retrouve bien mon père ..." a précisé Marie-Paule Bondat.

"Nous avons confié à Daniel Laurent de collecter des témoignages pouvant contribuer à cet ouvrage consacré à Antonin Bondat", a expliqué Fabrice Cario, directeur de la Camosine. "La tâche n'a pas été simple, a demandé beaucoup de temps pour échanger entre les différents auteurs des articles".

En page 3, Marie-Paule Bondat dresse un portrait de son père. "Les traits de sa personnalité, écrit dans son avant-propos Daniel Laurent, se dégagent successivement, car se trouvent rassemblés : les textes concernant l'enseignant, l'écrivain, le chantre du Morvan, l'homme fidèle à sa foi et à ses ancêtres".

 

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Plaque commémorative
Plaque commémorative Académie du Morvan

Montreuillon, samedi 12 juin 1999

Madame Marie-Paule BONDAT, Monsieur le Sénateur, Monsieur le Député, Monsieur le Maire, Mesdames et Messieurs les élus, Mesdames et Messieurs, tous amis fidèles de Jean SEVERIN, réunis pour cet hommage.

Avant tout propos, permettez d'excuser au nom de l'Académie du Morvan, ceux de nos confrères empêchés d'assister à cette cérémonie, tout particulièrement M. Marcel VIGREUX, notre actuel Président, M. Claude ROLLEY Président successeur de Jean SEVERIN, MM Claude REGNIER, Julien DACHE, Albert JAILLET ... qui eurent le privilège de longtemps œuvrer aux côtés de Jean SEVERIN.

Pour l'Académie du Morvan, cet hommage collectif, la plaque sur la maison natale, a valeur de symbole, celui du lien entre l'écrivain et son pays . Alors que notre association se propose de restituer, de maintenir et de faire connaître l' unité spirituelle de notre région, elle constate que toute la vie d'Antonin BONDAT a été marquée par le Morvan natal jamais oublié.

 

Le Morvan de Jean SEVERIN c'est d'abord et avant tout le Morvan de l'enfance, une enfance passée à Montreuillon jusqu'à l'automne 1914, puis à Blismes chez les grands parents, avec l'imprégnation de la nature, de la vie, de la famille, de la vie du village, de l'école, de la paroisse, des hommes ... comme il l'écrit :

"Cette enfance, je ne m'en suis jamais délivré. Elle me fermera les yeux sur mon lit de mort. Elle me hante depuis qu'elle m'a trahi, ce matin de septembre où un tacot en deuil m'emmenait, toutes amarres rompues, vers la ville, les murs d'un collège. C'est elle que j'ai cherchée sur le visage de milliers d'enfants et d'adolescents ..."

Mais le Morvan de Jean SEVERIN c'est aussi un Morvan parcouru tant sur le terrain qu'à travers les auteurs et livres de notre mémoire, selon son expression, Morvan tel qu'il apparaît dans son "Morvan du cœur et de la mémoire", ouvrage majeur, ouvrage testament aussi. Il s'agit d'une connaissance certes sentimentale et passionnée mais en même temps vécue, réfléchie et bien rationnelle. La justesse de la description nous frappe, ainsi l'évocation en quelques lignes de l'ancienne mini exploitation constitue un raccourci historique et ethnologique dont beaucoup pourraient s'inspirer :

"Le triste privilège de l'âge m'a valu de suivre quelques étapes de la révolution agricole qui nous a conduits de la polyculture de subsistance à la fragile royauté du charolais.

Enfant, j'ai connu la ferme mouchoir de poche où l'on vivait en autarcie, semait "son" seigle et "son" blé pour faire "son" pain, l'avoine pour le bourricot et les volailles, les treuffes pour la maisonnée et l'usine à viande qu'était le cochon, salut des humbles. Quelques vaches pour le lait et la charrue, un quarteron de moutons, deux chèvres à l'occasion, ....

De même nous impressionne la lucidité face à l'œuvre du temps, refus de la nostalgie, fermeté de l'interrogation sur l'avenir :

"... Il faut se méfier de la nostalgie comme de la peste. Nous n'avons que trop vécu d'un certain folklore du passé, qui convient peut-être aux vieillards, mais qui est destructeur en fonction de l'avenir... Non le passé ne reviendra pas. Il faut regarder le présent en face et le presser comme un citron pour qu'il exprime les rares promesses qu'il renferme."

Et encore :

"On ne reviendra jamais au Morvan du passé ; tout s'y oppose dans la civilisation actuelle et l'histoire ne remonte jamais à sa source. Mais ce Morvan des jours enfuis nous a légué un héritage qu'il faut préserver comme un trésor et enseigner aux jeunes ..."

Une telle rigueur, une telle clairvoyance ne peuvent nous étonner de la part de celui qui ne se voulait ni penseur, ni philosophe, mais proche de la vie et dans l'espoir :

"Les idées dans leur tour d'ivoire m'ennuient ; elle ne m'attirent que si elles sont chair et sang et passent au filtre des sentiments."

Vous excuserez, Mesdames et Messieurs, l'abondance des citations, qui, au-delà d'images et de souvenirs personnels, nous livrent la trame d'une pensée qui survit, bien vivante, dans les écrits. Jean SEVERIN demeure présent dans son œuvre.

 

 

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En savoir plus

  • Baudiau JF. , 1854 et 1867 - Morvand ou Essai géographique, topographique et historique sur cette contrée, Ed. Fay père et fils, Nevers.
  • Bonnamour J., 1966, Le Morvan - La terre et les hommes Ed. PUF, 454 p.
  • Riché P., 2006, Grandeurs et faiblesses de l'Église au moyen-âge, Ed. du Cerf, Paris - 336 p.
  • Thuillier G. - 1977 - Pour une histoire du quotidien au XIXe siècle en Nivernais - Ed.Mouton & Co et &Ecole des hautes études en sciences sociales, Paris, 490 p.
  • Vincenot H. - 1976 - La vie quotidienne des paysans bourguignons au temps de Lamartine Ed Hachette, 448 p.
  • Vigreux M. - 1987 - Paysans et notables du Morvan au XIXe siècle (jusqu'en 1914) - Académie du Morvan, Château-Chinon, 756 p.

 

 

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